23 août 2017

In girum imus nocte et consumimur igni

Nicolas Franek, Marc Arman-Jouée :

"In girum imus nocte et consumimur igni"

Installation. Fort Diamand, Octobre-Novembre 2016. Charbon, métal découpé,
guirlande électrique, dispositif sonore, PC, fleurs artificielles.




"In girum imus nocte et consumimur igni"

« Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu »

(Anonyme/attribué également à Virgile)



                    - La parabole gnostique à laquelle l'installation fait référence interpelle : il y a bien dans notre condition quelque chose des dérisoires papillons tournoyants dans la nuit pour s'immoler dans l'absolu d'une flamme de bougie.
Si cet absolu symbolique varie selon les cultures et les contextes religieux, on y trouve cependant des archétypes quasiment communs à toute l'humanité, parmi lesquels :
- Un ciel divin constellé de "luminaires", demeure d'ancêtres, de dieux, voire des âmes après la mort;
- Un monde souterrain abritant des divinités chthoniennes, des démons, etc.;
- Un monde intermédiaire, le nôtre, celui des hommes;
- Un axe vertical reliant ces mondes, d'où les métaphores universelles surabondantes de chutes et d'ascensions diverses;
- Est également archétypale la croyance en un au delà en analogie avec les saisons et l'éternel retour des cycles agricoles.
L'homo agricolus ne plante-t-il d'ailleurs pas ses morts en terre dans l'espoir inconscient de les voir germer à nouveau?

Or ce sont bien de ces archétypes universels obscurément enfouis en nous dont veut nous parle cette installation.

Ici une reptation de charbon - résidu de combustion à la fois stérile et fertile - enserre une série de petites tombes enfantines d'où phosphorent par intermittence des silhouette végétales et/ou anthropo/zoomorphes. Au dessus d'elles une constellations de figures sombres découpées dans de l'aluminium de récupération est suspendue en une sorte d'ébauche de voie lactée... Le tout baigne dans une "musique des sphères", polyphonie de résonances composée par l'artiste sonore Nicolas Franek.

Lorsque j'ai entendu pour le première fois le travail de Nicolas élaboré spécialement pour ce projet et diffusé de manière aléatoire selon 4 ou 5 sources dans l'espace, j'ai été frappé et stupéfait par les "correspondances secrètes" qu'il était parvenu sciemment à créer avec mon travail. Le vocable "musique des sphères" s'est immédiatement imposé à mon esprit.

C'est elle qui contribue pour une bonne moitié à la "spatialisation" de l'installation : la déambulation du spectateur est ici autant expérience acoustique que visuelle, les deux sens concourants à la découverte de l'oeuvre de façon conjointe et complémentaire.

En effet, Nicolas Franek, s'appuyant sur sa profonde culture musicale et sa pratique de preneur de son - notamment en forêt équatoriale humide guyanaise - a pensé les "verticalités lors de l'élaboration de la composition", pour "les augmenter aussi par le choix des intervalles, ainsi que par la disposition des éléments de diffusion."

Ici le son se fait éther subtil - matière lumineuse plutôt que matière noire - habitant le vide de manière tout aussi invisible et indispensable à la cohérence du visible. Force fondamentale unificatrice, cette musique par nature spirituelle s'adresse directement à l'âme par les impalpables vibrations de l'air. Elle permet le recueillement, "la réflexion provoquée par le deuil, l'acceptation et le dépassement de la perception du néant pour parvenir à un état d'apaisement."

"'In Girum Imus Nocte' est notre première collaboration, installation que nous allons encore développer et présenter. C'est aussi un point de départ pour d'autres projets que nous souhaitons réaliser".

MAJ 2016-17 & Nicolas Franek (les citations entre guillemets et en italique sont de Nicolas Franek à propos de ce travail)

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